Après renseignements, le 1er puits que je comptais retrouver est situé dans une région où l'on ne va pas comme ça (en véhicule), et ce n'est que du sable mou, changement d'itinéraire.
A la sortie Ouest de l'oasis, vers les salines, je finis de charger sacs et sacoches. Voilà l'instant tant attendu. Des mois à y penser, à préparer, à rencontrer du monde que je n'aurais jamais croisé autrement, imaginer tout ce qui pourrait se passer...
Un petit tour pour le film (ouf! Il est lourd

ce train-eau! Environ 50kg), je range la caméra, embrasse Jean-Louis (5 semaines que nous vivons ensemble sans scènes de ménage malgré mes tensions ponctuelles. il est un très bon compagnon de voyage et fait bien la cuisine!) et en avant, plein Ouest légèrement Sud.

Une petite brise souffle d'Est. J'appréhende le vent de sable. Avec l'ambiance de Bilma qui n''était pas vraiment à la gaité, plus une petite angoisse au fond du ventre pour ce qui m'attend, le moral est plutot au fond des chaussures, et ce n'est pas lui qui m'aide à tirer le train-eau, il est au plus lourd et je rame dans les parties les plus molles. De plus, sur quelques kilomètres ça grimpe en pente douce. Je ne la sens pas cette journée...

En arrivant aux premières dunes, je dois choisir un couloir dunaire, colone vertébrale du tracé des prochains jours. J'essaie de marcher le long du cordon de dunes situé au Nord où le sol est plus porteur, ce qui m'évite pour le moment de mettre le ski. La chaleur est lourde, je m'arrete vers 13h30 pour ne repartir que vers 15h, fatigue très vite, fait des pauses régulièrement, et me convainc que se sont ces jours-ci les plus durs. Au fil des km, le train-eau s'allègera et le corps s'adaptera.
17h. En 2 minutes, le soleil disparait derrière une brume épaisse et sombre, c'est à peine si l'on distingue encore sa circonphérence. Le vent forcit à 80/90 km/h environ. Le bivouac est planté en vitesse derrière une dune, vaguement protégé. Le temps de chercher une cordelette pour aubaner l'abri, une raffale plus violente plit et explose la membrure principale, ça commence bien! (Je ne la sentais pas...) Arrimé au train-eau, un abri de fortune est conçu avec les batons de marche, le sac principale du Carrix et le sac à dos glissés au fond. Avec une hauteur habitable de moins de 60 cm, ça reste néanmoins un abri.
Je passerai la nuit à veiller que la toile qui claque sous les raffales ne se déchire pas. A l'extérieur, respirer est très difficile (chèche et lunettes obligatoires). De toutes façons, impossible de fermer l'oeil, si ce n'est en fragmenté. Au petit jour, le vent de sable "monochromise" le paysage et ne semble pas vouloir baisser la garde (le bougre!). Toujours difficile de respirer à l'extérieur.

J'ai 2 solutions : soit j'appelle JL pour qu'il vienne m'arracher de là, soit je persévère mais n'ai qu'un semblant d'abri pour continuer et la situation risque de durer quelques heures, voir quelques jours, ce qui, à environ 10 km de Bilma est totalement ridicule, j'appelle. Vers midi, vaguement ébouriffé (...) et à l'abri de murs, nous dévorons un plat de spaguettis avec JL.

L'histoire a néanmoins un petit quelque chose de surprenant : dans le grand Erg Oriental en 96, je recevais quelques gouttes de pluie le 1er soir... Dans l'Adrar mauritanien, un scorpion me tombait sur la tete la 1ère nuit... Cette fois, sa majesré Ténéré m'envoie l'artillerie, le 1er soir...
Sahara serait-il un pays où tout se mérite?...