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La réussite d’un trek solo en milieu aride dépend directement de sa préparation. Personnellement, je ne décide pas ce genre d’expé du jour au lendemain.

Tout commence quand une région et un type de terrain m’obsèdent peu à peu. Je me documente alors sur les espaces que je compte traverser, sur la situation politique (assez mouvante dans certains endroits), la présence d’eau dans les puits, les possibilités de transports locaux, etc... Toutes les infos sont recoupées en leur accordant une fiabilité parfois relative.

Vient ensuite une partie vitale dans la préparation : évaluer la longueur des étapes entre chaque ravitaillement en eau, en tenant compte des paramètres nature du terrain / températures et hygrométrie / emplacements des puits / consommation journalière estimée / poids total transporté : bref, un réel casse-tête chinois. Jusqu’à présent, je me limitais à ce qu’il m’est physiquement raisonnable de porter, soit un maximum de 27 à 30 kilos le premier jour répartis dans un sac à dos gros portage et une série de sacoches ventrales. Au delà, le plaisir est en sérieuse rivalité avec la volonté d’en finir !

Dans la chasse aux grammes, une synthèse est nécessaire. C’est une question d’équilibre et de choix de qui est réellement indispensable dans ce qui n’est qu'indispensable.

Un "traîn-eau" pour l’autonomie hydrique :

En général, je pars avec 3 litres d’eau par jour de marche (il en faudrait raisonnablement deux à trois plus...). Pour que mon organisme profite au mieux du peu d’eau dont je dispose, j’essaie de respecter une répartition journalière assez rigoureuse : Levé vers 5h solaire : 40cl. au petit déj., à la pause de midi et le soir. Puis 10cl. toutes les heures (20cl. aux heures de marche les plus chaudes). Le reste est pour la nuit et une toilette extrêmement minimaliste pour limiter les problèmes.

Un arrêt est obligatoire entre midi et 15hoo, puisque la distance parcourue durant ces heures les plus chaudes serait trop chère payée en énergie et eau consommée.

Pour traverser le Ténéré, les températures risquant de dépasser régulièrement les 50°C, je pars avec une gestion hydrique de 4 litres /24h, soit 1,5 litre pour la cuisine, 1/2 litre pour la nuit (il fait froid, il est donc nécessaire "d'alimenter la chaudière interne"... Il reste ainsi 2 litres d'eau pour la journée... ce qui veut dire 2 à 4 gorgées d'eau par heure.

L’autonomie hydrique et son poids embarqué sont mes principaux soucis techniques. Avec son créateur, nous avons adapté et renforcé le système de portage Carrix en... "traîn-eau", une synthèse entre la pulka du Grand Nord et la brouette indienne. Sans cet engin, la traversée ne serait pas réalisable en autonomie. Il permet d’embarquer l’autonomie alimentaire pour 1 mois et demi et 40 litres d’eau par étape de 200 km entre 2 points d'eau. Le traîn-eau pèse 63 kg tous compris le 1er jour de marche. Avec un sac à dos de 15 kg environ c'est approximativement mon propre poids transporté. 

L’alimentation :

La chaleur ne favorisant pas la goinfrerie, l’alimentation solide est principalement du type concentré pour grande endurance. Plus facile à préparer et à ingurgiter le soir, à base de céréales complètes, mil, flocons de riz, pattes ou semoule de blé.

Le matin, c'est une version sucrée, enrichie de fruits séchés réhydratés la veille au soir, du lait en poudre et des oléagineux. Les midi et soir, c'est une version salée enrichie de schiitake séchés (champignons japonais très goutteux, riches en protéines et vitamines), quelques pincées de carottes et haricots verts déshydratés et protéines de soja. La mixture est évidemment "cuisinée" avec un minimum d’eau. 

Un thé sucré vient ponctuer ces frugales repas 3 fois par jour. Un plat déshydraté varie la monotonie des menus tous les 4 ou 5 jours, plutôt pour le midi les jours de grands vent car plus facile à préparer. Quelques barres de nougat, miel ou pattes de fruits, des fruits secs et séchés (maisons), 2 gorgées d'huile d'olive par jour pour limiter la sensation de soif permanente et des boules touareg (mil, dattes et fromage de chèvre broyés, malaxés et mis en boule à la main, ce qui donne un peu le goût de la paume du cuisinier... mais bourrées d'énergie !).

Pour la journée, je mélange 1 pincée de sel et 1 de sucre dans 2 litres d'eau. A l'image du thé au beurre rance des tibétains, le mélange sucré salé est (étonnamment) revigorant. D'autre part, le sel dissout évite de prendre des comprimés de sodium du même dosage pour limiter la déshydratation, ce qui écarte le risque qu'un comprimé ne se colle aux parois de l'estomac (risque nettement augmenté par la pauvreté hydrique absorbée).

Un abri :

Il m’a suffit d’avoir vécu une petite tempête de sable sans aucune autre protection que mon duvet pour ne plus partir sans un abri aussi réduit soit-il (fait maison) en logeant les fibres de carbone dans les bâtons de marche. Je l’ai d’autant plus adopté qu’il peut aussi me protéger du soleil aux heures les plus caniculaires.

Cette fois ci, ayant avec moi du matériel audio-visuel délicat, mon "refuge Ténéré" est un tout petit peu plus confortable que les précédents, et surtout fermé (entretien et dépoussièrage du matériel). C'est un abri de plage bricolé avec quelques aérations supplémentaires bien placées, en forme de demi lune contre le vent et une sorte de casquette pour "fabriquer" un peu d'ombre quand le soleil est en position zénithale. La nuit, préférant nettement m'endormir sous les astres, cette "chambre" n'est montée qu'en cas de risque de vent de sable.

Petits bobos :

La pharmacie est réduite au stricte minimum et adaptée selon le type de terrain traversé.

Elle porte en général sur les soins des pieds, les brûlures cutanées (dessus des mains), les crampes, tendinites et courbatures dûes à la déshydratation, et aux débuts de coups de chaud. Des maux plus graves sont interdits ou la sanction est... radicale. La meilleure (et la plus légère) des pharmacopée est l'attention et la prévention.

L'eau des gueltas (ou celle des puits quand il y a un doute) est efficacement traitée contre les bactéries et les virus avec des comprimés AquaTabs.

Force est de constater que, autant en compagnie l’être humain peut être enclin à se plaindre, autant seul au milieu de rien il se découvre des capacités insoupçonnées à mieux supporter la douleur. Théodore Monot aimait à rappeler qu’il est inutile de gindre dans un tel milieu puisqu’il n’y a personne pour nous entendre, et s’il était une bonne âme qui passait par là, elle serait logée à la même enseigne et ne pourrait de toutes façons rien faire de plus...

Les bestioles :

Il n’y a pas beaucoup de solutions. La meilleure pour éviter une cohabitation trop tendue, est là encore la prévention ! Il faut sans cesse être en alerte, même dans le sommeil. Pour une piqûre (ou morsure) de scorpion, serpent ou autres, un aspivenin est a portée de mains. Un sérum serait inefficace, voir dangereux, puisqu’il le faut adapté précisément à la bestiole agressive, donc en avoir une batterie qui, de plus, serait à maintenir au frais...

Ceci dit, il est amusant de voir au réveil les traces des curieux nocturnes qui convergent vers le duvet. Gare aux fonds de chaussures dans la pénombre avant l’aurore, ou quelque vipère blottie au chaud sous le duvet ! Mais bien souvent, les rencontres sont plutôt sympathiques...

Il y aurait bien une solution, mais que je ne trouve personnellement pas très pratique, consistant à se coucher sur une couverture de survie en relevant les bords. Cette solution est bruyante et ne fonctionne que quand il n’y a pas trop de vent...

Le budget :

Il est bien sûr estimé avant de partir, mais l’évaluation est difficile.

Jusque là, je suis toujours parti de manière totalement anonyme, sans aucun soutien média ni financier. De plus, sur place les prix sont souvent à discuter, que ce soit pour un taxi-brousse, une bouteille d’eau ou la mise en place préventive de recherches éventuelles... A ce propos, négocier est un jeu plaisant qui fait partie de la communication humaine locale. Il faut savoir qu'un bon marchandage est un échange où vendeur et acheteur se quittent tous deux satisfaits.

Coté accueil :

A part une fois seulement où ça a été un peu limite (une suspicion fâcheuse qui a failli m’amené à goûter les murs des geôles locales!), il a toujours été des plus chaleureux et amicaux. Respect et absence de jugement expressif ouvrent bien des portes. Dans l'ensemble, je ne pense pas risquer grand chose dans la mesure où je me balade dans le désert encore moins bien équipé que le moindre nomade qui croiserait dans la région, puisque je n'ai même pas le minimum : un chameau. Le peu de fois où il m'est arrivé de croiser quelqu'un, l'effet de surprise et la curiosité sont tels que la question d'une agression potentielle ne se pose même pas.

Orientation :

Bien sûr, je pars avec les éléments basiques suivants :

• des cartes IGN au 1:1 000 000 (1cm pour 10km) générales, plus une série de cartes plus précises mentionnant chaque puits à trouver (au 1:200 000, si non au 1:500 000). Pour faciliter leur recherche, je me fais confirmer et décrire les emplacements des puits au préalable par des chameliers ou une personne locale de confiance.

• un compas de visée (sorte de boussole) pour définir l’orientation sur la carte et la direction à prendre sur le terrain (le cap).

• un GPS basique en complément très simple d’utilisation, histoire de me rassurer dans le doute (mais ne pas se reposer dessus puisque fortement susceptible de tomber en panne... et il suffit d'une fois).

Les premiers jours, je porte sur la carte mes points estimés au fil de la progression, et vérifie très scrupuleusement le soir ma position avec les coordonnées longitudes et latitudes que me donne le GPS. Au bout de quelques jours, la différence entre le point estimé et le point GPS réduit, tant le cerveau humain a une étonnante capacité (surtout en solitaire) à développer certains sens, assimiler les rythmes de marches différents selon les types de terrains, et situer inconsciemment le bonhomme dans l’espace grâce au soleil et sa déclinaison, son ombre au sol, la lune, les étoiles, le sens dominant du vent qui signe le sable en vaguelettes, etc... Après quelques jours, je finis par ne vérifier les coordonnées GPS que tous les 3 ou 4 soirs environ, ou quand les conditions sont vraiment difficiles (tempête de sable ou terrain particulièrement accidenté).

La première fois que je découvrais cette faculté d’adaptation, j’étais stupéfait. J’avais pourtant passé la journée à slalomer entre les dunes du type "aklés" (sans aucune orientation dominante). Le vent de sable étant plus fort sur les crêtes, je ne montais sur l’une d’elles que de temps en temps pour me remettre dans l’axe de mon cap. Le soir au bivouac, je n’avais dérivé que de 5 ou 6 degrés sur 25 km!... J'ai eu la confirmation ce jour là que l’être humain moderne n’utilise qu’une petite partie de son instinct, et c’est bien dommage...